Seisme du 24 aout 2016 en Italie - CCR

Séisme du 24 août 2016 en Italie

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01/09/2016

Sept ans après le séisme d’Aquila, la terre a de nouveau tremblé dans le centre de l’Italie. Le 24 août 2016 à 3h36, un séisme de magnitude 6,0 a frappé les Apennins. D’après l’Institut National de Géophysique et de Volcanologie italien (INGV), l’épicentre est situé dans la province de Rieti à 4 km de profondeur1.

FIGURE 1 : LOCALISATION DE L'ÉPICENTRE (SOURCE : INGV)

Contexte sismo-tectonique et historique


Le séisme a eu lieu dans les Apennins, la chaîne de montagne de l’Italie Centrale résultant du plongement de la plaque Adriatique sous l’Italie. Cette région est géologiquement active avec la présence d’un système de failles bien identifiées. C’est une de ces failles qui a été à l’origine du séisme d’Aquila le 6 avril 2009. Cette région, comme l’ensemble du pays, est donc caractérisée par une sismicité historique importante (Figures 2 & 3). Les évènements les plus destructeurs dans la région sont ceux de 1349, 1461, 1639, 1646 et 1703 avec des magnitudes estimées entre 6,5 et 7,2 (INGV). Le séisme du 14 janvier 1703 reste l’un des plus meurtriers de la région avec près de 6 000 morts2.

1 https://ingvterremoti.files.wordpress.com/2016/08/relazione_di_dettaglio_rieti_mw_6-0_del_2016-08-24_01_36_32_utc_versione_del_2016-08-24_ore_04_26_02_utc-1.pdf
2 Relation générale des ruines et mortalités causés par les secousses des tremblements de terre arrivez en Italie en 1703, Paris, Guillaime Valleyre, édition de 1703.

 

FIGURE 2: PRINCIPAUX SÉISMES DE MAGNITUDE SUPÉRIEURE À 5 EN ITALIE (SOURCE INGV)

En 1915, le séisme de Fucino est crédité d’une magnitude de 7. Plus récemment, la région avait été particulièrement marquée par la crise de l’Umbria-Marche (environ 50 km au NO) en 1997 où des milliers de secousses avaient été enregistrées par les réseaux locaux. Trois chocs principaux de magnitude supérieure ou égale à 5,5 avaient eu lieu sur le même type de failles orientées NO-SE. La zone avait aussi été fortement touchée lors du séisme de l’Aquila en 2009, situé à 30 km au SE. Ce séisme peu profond d’une magnitude de 6,3 avait causé des dégâts massifs à la cité médiévale et causé la mort de 308 personnes.

FIGURE 3 : ÉPICENTRES DES PRINCIPAUX SÉISMES RESSENTIS EN ITALIE (DEPUIS 100 AV. JC)

 

Les conséquences humaines et matérielles


Les communes les plus gravement touchées sont Pescara del Tronto, Amatrice et Accumoli. Le tremblement de terre a touché également les provinces de Perugia, Ascoli Piceno, l’Aquila et Teramo. Les secousses ont été ressenties jusqu’à Rome située à environ 150 kilomètres. De très nombreuses répliques de fortes magnitudes sont survenues (Figure 4), certaines terminant d’écrouler des bâtiments endommagés lors de la secousse principale.

FIGURE 4: RÉPLIQUES DU SÉISME DU 24 AOÛT 2016 (SOURCE : INGV)

Selon la protection civile italienne, le bilan au matin du 29 août 2016 s’élevait à 290 morts. En raison du caractère nocturne de la secousse, de nombreuses personnes ont été ensevelies dans l’effondrement de leur maison ou de leur immeuble. De plus, la survenue du séisme en plein coeur de la saison estivale et la forte influence touristique dans la région semblent expliquer l’importance des pertes humaines.


FIGURE 5 : AMATRICE : AVANT ET APRÈS LE SÉISME3

De nombreuses maisons et immeubles ont été détruits et une grande partie du patrimoine historique des communes concernées a été durement touchée (Figure 5). À Amatrice, la destruction des bâtiments concernerait les trois-quarts du territoire de la commune. L’ampleur des destructions s’explique par la magnitude de l’évènement, par sa localisation à faible profondeur mais aussi par la vulnérabilité des bâtiments. En Italie, ceux-ci sont constitués majoritairement de maçonnerie traditionnelle non armée (briques et pierres arrondies), parfois de maçonnerie renforcée par du chaînage métallique ou, pour les constructions plus récentes, du béton armé. La plupart des structures ont été construites avant l'introduction des codes de construction en lien avec les normes parasismiques, le risque d'effondrement lors d'un tremblement de terre pour les édifices érigés avant 1980 est donc très élevé. Pour les bâtiments construits entre 1980 et 1996, les premières normes étaient peu contraignantes et les éléments non structuraux (plafond, parois, cheminées, extensions, etc.) n’étaient pas considérés comme à risque ; de fait, ces édifices âgés de 20 à 30 ans présentent aussi un risque élevé d'effondrement lors de séismes puissants et un risque élevé de dommages aux éléments non structuraux mêmes lors de secousses plus faibles.

3 http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/08/25/avant-apres-les-batiments-detruits-par-le-seisme-en-italie_4988020_3244.html

La zone touchée par le séisme du 24 août regroupe des constructions de différentes natures avec notamment des centres-villes largement constitués d’habitats anciens qui ont été détruits. Ceux-ci, situés historiquement sur des promontoires ont subi une agression sismique plus intense due aux phénomènes dits « d’effets de site topographiques » pour lesquels les ondes sismiques sont piégées et libèrent toute leur énergie causant ponctuellement des dégâts très importants. En France, ce phénomène avait été observé en 1909 lors du séisme de Lambesc (pour les personnes habilitées, une fiche événement est disponible sur l’extranet Ceres) où les habitats situés sur les collines étaient détruits alors que ceux, au pied des collines, avaient subi des dommages moins importants.

 

Comparaison avec la situation française


Si en France les dommages assurés causés par les séismes sont pris en charge par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la couverture séisme en Italie n’est souvent pas incluse dans les polices dommages proposées aux particuliers (Tableau 1). Elle est généralement délivrée comme une extension des polices incendie. Pour autant, cette couverture est susceptible d’entrainer un doublement du montant de la prime4. Pour les risques commerciaux et industriels, la couverture séisme est disponible moyennant une prime additionnelle variant suivant les régions c’est-à-dire variant selon l’exposition. Compte tenu du faible taux de souscription de cette couverture, les pertes assurées pèsent généralement très peu en regard des pertes économiques globales, quelques pourcents tout au plus.

TABLEAU 1 : CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME D'ASSURANCE EN ITALIE ET EN FRANCE

Caractéristiques

Italie

France

Système d’assurance

Privé

Mixte

Evénements couverts

Tremblement de terre et incendie consécutif

Tremblement de terre reconnu catastrophe naturelle

Garantie

Dommages directs (la perte d’exploitation est souvent exclue)

Dommages directs et pertes d’exploitation consécutives

Limite de garantie

Faible (entre 10% et 50% des valeurs assurées)

Illimitée

Franchise

Entre 1 et 2% des valeurs assurées

380 € pour les particuliers

10% des dommages directs pour les professionnels

3 jours ouvrés pour la perte d’exploitation

Tarification

Libre. Varie en fonction de l’exposition, de la vulnérabilité et les termes du contrat

Taux de surprime fixe : 12% de la prime Dommage pour l’ensemble de la garantie catastrophes naturelles

Taux de pénétration

Particuliers : 5 à 10%

PME : 10 à 30 %

Grandes Entreprises : 100%

99% en métropole et plus de 50% dans les DOM

Réassurance

Privée

CCR avec la garantie de l’Etat et réassurance privée

Intervention de l’Etat

Obligation par la loi d’aide à la reconstruction

Oui après intervention de la réassurance CCR


4 http://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2012-05-30/quanto-costa-assicurare-propria-170822.shtml?uuid=AbPCNskF&refresh_ce=1


Ainsi, lors du séisme de l’Aquila en 2009, les dommages assurés ont été évalués à environ 500 M€5 alors que le coût global de la reconstruction pour la seule ville d’Aquila avait été estimé à environ 15 Md€. Ce montant, largement pris en charge par l’État italien sous la forme de vote de crédits exceptionnels, est réparti entre les biens privés à hauteur de 4,5 Md€ et de 10 Md€ pour les infrastructures publiques6.
Dans un communiqué daté du 26 août 2016, Fitch estimait que les pertes à charge des assureurs et réassureurs pourraient s’élever de l’ordre de 100 à 200 millions €.
Bien que la France soit un pays à sismicité plus diffuse que l’Italie, des séismes destructeurs sont déjà survenus et surviendront à nouveau sur notre territoire. Citons notamment le séisme de Lambesc en 1909 avec 46 morts et des dégâts assurés potentiels s’il survenait actuellement de l’ordre de 2 milliards € (pour les personnes habilitées, une fiche événement est disponible sur l’extranet Ceres), ou le séisme de 1843 en Guadeloupe qui avait totalement détruit la ville de Pointe-à-Pitre et dont le coût à charge du régime Cat Nat serait de l’ordre de 1,5 milliard € de nos jours (chiffrage CCR 2016, disponible pour les personnes habilitées sur Ceres, tenant compte d’un taux de pénétration de l’assurance dommages de l’ordre de 50% en Outre-mer contrairement à quasiment 100% en métropole).
Cependant, depuis l’instauration du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en 1982, la France n’a pas eu à déplorer les conséquences de séismes majeurs. L’historique récent ne montre en effet que peu d’événements, les plus notables étant (coûts actualisés en €2014) :
- Annecy 1996, magnitude 5,3 profondeur 5 km – pertes de l’ordre de 110 M€ ;
- Les Saintes (Guadeloupe) en 2004, magnitude 6,3 profondeur 15 km – pertes de 85 M€ ;
- Martinique en 2007, magnitude 7,4 mais profondeur de 150 km – pertes de 70 M€ ;
- Rambervillers (Vosges) en 2003, magnitude 5,4 profondeur 10 km – pertes de 20 M€.
La fréquence des séismes est moindre en France mais la magnitude 6,0 du séisme italien est largement atteignable dans les régions françaises les plus exposées : Antilles, Alpes intérieures, Pyrénées et Côte-d’Azur (Figure 6).

5 Sigma, Swiss Re, N° 1/2010 Catastrophes naturelles et catastrophes techniques en 2009
6 http://ilcentro.gelocal.it/laquila/cronaca/2011/06/24/news/di-stefano-per-ricostruire-la-citta-servono-14-miliardi-1.4878891

FIGURE 6 : ALÉA SISMIQUE RÉGLEMENTAIRE EN FRANCE


Dans le cadre de ses travaux d’analyse de l’exposition du territoire français aux catastrophes naturelles, CCR a réalisé un état de lieux de l’exposition face aux séismes en croisant la carte d’aléa réglementaire avec son portefeuille dit « marché ». Les résultats présentés dans le tableau 2 mettent évidence que, dans les 2000 communes situées dans les zones les plus à risque (aléa moyen et aléa fort) :
- résident environ 4 millions d’habitants assurant plus de 3 millions de polices MRH pour des capitaux assurés cumulés de l’ordre de 650 milliards € ;
- sont présentes plus de 400 000 entreprises cumulant pas moins de 420 milliards € de capitaux assurés.

TABLEAU 2 : ANALYSE DE L'EXPOSITION DES ENJEUX (POPULATIONS ET BIENS ASSURÉS) FACE AUX SÉISMES EN FRANCE


(a) Estimations CCR
(b) Les études du Commissariat général au développement durable (2007, 2014) font apparaître des taux de pénétration de l’assurance dommages très faibles dans les territoires ultra-marins (40 à 55% aux Antilles) contrairement à la métropole où le taux de pénétration est proche de 100%.


La France et l’Italie partagent une histoire et des pratiques constructives très proches, notamment dans le quart Sud-Est de la France dont certains territoires, notamment le Comté de Nice, étaient d’ailleurs italiens jusqu’à la fin du XIXème siècle. On peut noter une certaine ressemblance entre les villages des Apennins touchés par le séisme du 24 août et les villages de l’arrière-pays niçois dispersés sur un territoire très montagneux. Tout comme en Italie, les normes parasismiques françaises sont récentes et, pour la très grande majorité du parc immobilier français antérieur à 1990, hors établissements recevant du public, on peut considérer qu’il s’agit de bâtis construits certes dans le respect des normes usuelles mais sans application de normes parasismiques dédiées. Les bâtis français et italiens étant finalement de facture proche, des dégâts similaires pourraient être observés sur notre territoire si un séisme comparable survenait.
À titre d’exemple, en 2014, l’équipe R&D modélisation de CCR avait établi une estimation des pertes liées à un séisme touchant la région de Nice. Ce scénario sismique s’inspire du séisme ligure du 23 février 1887 dont l’épicentre était situé dans le Golfe de Gênes à proximité de la frontière franco-italienne. Ce séisme avait été ressenti jusqu’à 600 km de distance et avait provoqué des dégâts notables de Nice à Menton et dans tout l’arrière-pays des actuelles Alpes-Maritimes. S’il survenait de nos jours, ce séisme de scénario de magnitude 6,3 et de profondeur 8 km, situé à 30 km au large de Nice (Figure 7), pourrait générer des pertes assurées de l’ordre de 11 à 14 milliards € (pour les personnes habilitées, une fiche événement est disponible sur l’extranet Ceres).

FIGURE 7: IMPACT D'UN SÉISME DE MAGNITUDE 6,3 SITUÉ AU LARGE DE NICE

Afin d’améliorer sa connaissance du risque sismique en France, CCR, dans le cadre de son partenariat pluri-annuel établi en 2014 avec le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), développe un modèle visant à caractériser l’exposition au risque sismique en quantifiant la vulnérabilité des territoires par la simulation de scénarios sismiques et de leur impact notamment à charge du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

 

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Séisme du 24 août 2016 en Italie

Sept ans après le séisme d’Aquila, la terre a de nouveau tremblé dans le centre de l’Italie le 24 août 2016 à 3h36.

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