

Cyclone Irma : quels dommages si la Guadeloupe était frappée aujourd’hui ?
CCR simule l’impact d’un cyclone type Irma en Guadeloupe : jusqu’à 20 milliards d’euros de pertes assurées selon la trajectoire. Un scénario pour mieux anticiper.

Le 6 septembre 2017, l’ouragan Irma a marqué l’histoire des Antilles par sa violence extrême. Classé en catégorie 5, il a dévasté Saint-Barthélemy et Saint-Martin avec des vents jusqu’à 360 km/h et des vagues de 10 mètres, générant 2 milliards d’euros de dommages assurés sur les seuls territoires français.
Dans le cadre de ses travaux prospectifs, CCR a simulé l’impact qu’aurait un cyclone de type Irma frappant directement la Guadeloupe aujourd’hui. En intégrant les données de terrain, les modèles atmosphériques et l’exposition assurantielle actuelle, ce scénario montre des pertes potentielles estimées entre 5 et 20 milliards d’euros.
Qu’est-ce qu’un cyclone tropical ?
Un cyclone tropical est une tempête d’origine océanique, alimentée par la chaleur des eaux de surface. Il est structuré autour d’un œil calme, entouré de bandes de nuages très denses, avec des vents tournants violents. En zone intertropicale, ces systèmes peuvent atteindre plusieurs centaines de kilomètres de diamètre.
Ils sont classés selon l’échelle de Saffir-Simpson, allant de la catégorie 1 (vents de 119 à 153 km/h) à la catégorie 5 (vents supérieurs à 252 km/h). Irma a atteint la catégorie maximale, avec des rafales dépassant les 360 km/h, soit l’équivalent d’une tornade EF5 sur une échelle bien plus étendue dans le temps et l’espace.
Les risques associés à un cyclone sont multiples :
- Vents extrêmes capables d’endommager gravement les bâtiments et les réseaux,
- Précipitations intenses provoquant des inondations ou glissements de terrain,
- Submersion marine liée à la houle cyclonique et à la marée de tempête.
Le régime Cat Nat couvre-t-il les dommages cycloniques ?
Oui, les dommages liés aux cyclones peuvent être couverts par le régime des catastrophes naturelles (Cat Nat), sous conditions. Depuis 1982, ce régime permet une indemnisation spécifique lorsqu’un événement est reconnu par arrêté interministériel.
Pour les vents cycloniques, l’indemnisation passe soit par le Cat Nat (si le seuil est atteint), soit par la garantie tempête des contrats d’assurance. Les critères Cat Nat pour les cyclones sont définis par l’article L.122-7 du Code des assurances :
- Vitesse moyenne des vents ≥ 145 km/h sur 10 minutes,
- Ou rafales ≥ 215 km/h sur une zone étendue.
Lorsque ces conditions sont réunies et qu’un arrêté de reconnaissance est publié, les assurés peuvent être indemnisés pour les dommages matériels directs.
Les critères de reconnaissance pour les vents cycloniques
L’analyse de reconnaissance Cat Nat se base sur :
- L’intensité et la durée des vents,
- Leur spatialisation (plusieurs communes concernées),
- Leur caractère exceptionnel au regard des références historiques locales.
Les vitesses sont vérifiées via les stations météorologiques de Météo-France. La période de retour de l’événement doit être d’au moins 10 ans. CCR, en collaboration avec les autorités, mobilise également des bases d’expertise post-événement pour valider les intensités.
Résultats de la simulation : un scénario catastrophe
Méthodologie
CCR a modélisé le passage d’un cyclone de type Irma en Guadeloupe, en ajustant la trajectoire historique d’Irma par pas de 15 km vers le nord et le sud. Ces trajectoires simulées ont permis d’évaluer les impacts assurantiels selon différents points d’impact.
Le modèle utilisé est WRF (Weather Research Forecast), en partenariat avec RiskWeatherTech, permettant une simulation précise des rafales de vent à l’échelle communale.
Hypothèses de simulation
- Rafales simulées jusqu’à 360 km/h,
- Vitesse moyenne du vent : 283 km/h,
- Submersion jusqu’à 5 mètres dans les zones côtières,
- Hauteur de vagues : jusqu’à 10 mètres.

Résultats de la simulation : un scénario catastrophe
Dommages assurés estimés
Selon les trajectoires simulées, les dommages assurés varient entre 5 et 20 milliards d’euros, avec une forte dépendance à la trajectoire exacte du cyclone.
- 32 communes touchées, dont Les Abymes, Baie-Mahault, Le Gosier ou Basse-Terre.
- Répartition des coûts :
- 66 % particuliers (habitations, véhicules, biens),
- 34 % professionnels (commerces, bâtiments agricoles ou industriels).

Impacts humains et économiques
Les conséquences d’un tel cyclone seraient dramatiques :
- Destruction des réseaux électriques et télécoms, entravant les secours,
- Fermeture des aéroports et ports, bloquant les chaînes logistiques,
- Evacuation de milliers d’habitants, dont certains logés dans des habitats précaires,
- Pertes agricoles majeures, notamment dans la filière banane, essentielle pour l’économie locale,
- Arrêt brutal du tourisme, secteur clé de la Guadeloupe.

La prévention en Guadeloupe : où en est-on ?
1. Modélisation et cartographie
CCR met à disposition des modèles détaillés d’impact cyclonique à destination des collectivités et des assureurs. Ces outils permettent d’anticiper les zones les plus exposées, en croisant aléas et vulnérabilités (types de construction, concentration de population, etc.).
2. Renforcement des bâtiments
Le Plan Séisme Antilles, bien que centré sur le risque sismique, inclut un volet cyclone. Il prévoit notamment :
- Le renforcement des bâtiments publics sensibles (hôpitaux, écoles, casernes),
- Le renforcement des bâtiments publics sensibles (hôpitaux, écoles, casernes),
- L’accompagnement à la mise aux normes du bâti existant.
Mais selon CCR, seuls 5 % des logements sont actuellement conçus pour résister à des vents de plus de 250 km/h, ce qui reste insuffisant face à un cyclone comme Irma.
3. Sensibilisation des populations
Les campagnes d’information ont été renforcées depuis Irma et Maria. Les habitants sont incités à :
- Constituer un kit d’urgence (eau, nourriture, radio, lampe),
- Identifier une zone refuge en étage,
- Suivre les alertes météo et respecter les ordres d’évacuation.
Une trajectoire aléatoire, un risque bien réel
Bien que la Guadeloupe ait été relativement épargnée par Irma en 2017, les trajectoires des cyclones restent incertaines. Un décalage de quelques dizaines de kilomètres pourrait faire toute la différence.
La probabilité de survenance d’un tel événement n’est pas nulle. Les tendances climatiques montrent un renforcement de l’intensité des cyclones tropicaux dans les Caraïbes. Cela renforce l’importance de scénarios comme celui proposé par CCR pour la préparation stratégique.
Une trajectoire aléatoire, un risque bien réel
Un cyclone de type Irma frappant la Guadeloupe aujourd’hui représenterait un choc d’une ampleur rarement vue, avec des pertes assurées pouvant dépasser 20 milliards d’euros. En identifiant les zones les plus vulnérables, en adaptant les bâtiments et en informant les populations, il est possible de réduire l’impact de ces événements extrêmes.
Les simulations menées par CCR sont un levier clé pour guider les politiques de prévention et bâtir une résilience adaptée aux spécificités des territoires ultramarins.
c
- CCR – Rapport « Les catastrophes naturelles en France – Bilan 1982–2023 »
- RiskWeatherTech – Modélisation WRF cyclone Irma
- Météo-France – Données vent et trajectoires historiques
- Code des assurances, article L.122-7
- IGN – Cartographie BD TOPO
- Ministère de la Transition Écologique – Plan Séisme Antilles
Crédit et source photo :
- Gettyimages : Jodi Jacobson
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