
Une bombe sale peut causer des pertes assurées supérieures au milliard d’euros. CCR modélise les impacts radiologiques et économiques de trois scénarios réalistes d’attentats en milieu urbain pour anticiper les conséquences assurantielles.

Bombes sales et pertes assurantielles : une menace réaliste, un impact massif
Dans le cadre d’un rapport de la Geneva Association, CCR a mené avec SUEZ ARIA Technologies une étude pionnière sur les pertes assurantielles potentielles liées à un acte de terrorisme radiologique, aussi appelé « bombe sale ».
Trois scénarios d’attentats urbains ont été modélisés (Champs-Élysées, La Défense, Parlement européen à Strasbourg), intégrant une charge explosive de 1 kg TNT et une dose variable de Césium-137.
Qu’est-ce qu’une bombe sale ? Comprendre le risque assuré
Une bombe sale (RDD, Radiological Dispersal Device) associe explosif et matière radioactive, dans le but de contaminer un espace public. Si l’impact humain immédiat est limité, les conséquences assurantielles sont majeures : coûts de décontamination, perte d’exploitation, évacuation longue durée. Même un petit dispositif (ex : 30g de Cs-137) peut générer des pertes comparables à une catastrophe naturelle majeure.
Méthodologie CCR : modéliser les pertes liées aux bombes sales
1. Modélisation de l’aléa radiologique (logiciel RISTER)
- Simulation haute résolution (5 m) de la dispersion du Cs-137 dans un environnement urbain 3D
- Intégration des données météo : vent, pluie, température
- Estimation des dépôts radioactifs au sol
2. Vulnérabilité : quels bâtiments et biens sont touchés ?
- Extraction des bâtiments dans la zone contaminée
- Association avec des polices d’assurance simulées
- 3 postes de pertes modélisés :
- Bâtiments
- Contenu (mobilier, équipement)
- Pertes d’exploitation (professionnels uniquement)
3. Dommages estimés à partir de courbes post-Fukushima
- Application de courbes d’endommagement selon la dose radioactive déposée
- Les coûts modélisés concernent exclusivement la décontamination, pas les pertes humaines ou macroéconomiques
Résultats : pertes assurées simulées pour 3 scénarios de bombes sales
Scénario 1 – Champs-Élysées (Paris)
- 100 TBq de Cs-137 (≈ 32 g)
- 7 000 bâtiments exposés
- 36 000 polices d’assurance touchées
- 10,7 Mds€ de pertes estimées, dont 74 % en décontamination directe
👉 Moyenne par sinistre : 279 000 €
Scénario 2 – La Défense (Paris)
- Même charge et isotope
- Zone à forte densité de risques professionnels
- 6,5 Mds€ de pertes, dont 25,5 % en pertes d’exploitation
👉 Moyenne par sinistre : 231 000 €
Scénario 3 – Parlement européen (Strasbourg)
- 1 000 TBq de Cs-137 (≈ 315 g)
- Zone à plus faible densité de valeurs assurées
- 3,6 Mds€ de pertes, dont 78 % sur les biens matériels
👉 Moyenne par sinistre : 168 000 €

Carte de l’activité du radionucléide (en Becquerel Bq) dans les bâtiments, obtenue pour le scénario « Champs-Elysées » avec un vent faible (1 m/s) d’Ouest sans précipitation.
1.Champs-Elysées, 2. Palais de l’Élysée, 3. Opéra Garnier, 4. Galeries Lafayette, 5. Gare Saint-Lazare.
Répartition des pertes assurantielles selon les scénarios

👉 À La Défense, la concentration de grands risques assurés ≥ 20 M€ entraîne une part élevée de réassurance privée.
Bombes sales et assurance : un risque rare, un coût colossal
Cette étude montre qu’un acte de terrorisme radiologique peut générer autant de pertes assurées qu’une catastrophe naturelle :
- Tempêtes Lothar et Martin (1999) : 15 Mds€
- Grêle (2022) : 5,1 Mds€
- Sécheresse géotechnique (2022) : 3,5 Mds€
Même un dispositif simple peut engendrer des coûts de décontamination massifs, en zone dense. Les modélisations CCR permettent ainsi d’anticiper des scénarios jusqu’ici peu quantifiés dans le secteur assurantiel.
Crédits et publication
Auteurs :
- Sina Nassiry, Corentin Gouache (CCR)
- Maxime Nibart, Armand Albergel (SUEZ ARIA Technologies)
Sources :
- Nassiry et al., Estimation des pertes assurantielles liées à des actes de terrorisme de type « bombe sale », Rapport scientifique CCR 2024, pp. 22–25
- Bilan des catastrophes naturelles en France – 2023 (CCR)
- RISTER – Logiciel SUEZ ARIA Technologies
- Geneva Association (rapport 2024)
- Retours d’expérience post-Fukushima
Source et crédit photo :
- GettyImages : photosvit
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